Texte introductif à la rencontre mensuelle sur les écolieux

présenté par Catherine Rivera



Bonjour. Merci d'être présent.es à cette nouvelle rencontre organisée par Adaptation Radicale Francophone.
Je prends juste un temps pour vous rappeler qui nous sommes avant de présenter le sujet.

L’Adaptation radicale est à la fois un programme, un cadre et une communauté pour les personnes qui anticipent un effondrement de la société, notamment en lien avec le changement climatique et la perte de la biodiversité
C'est un mouvement laïque, sans affiliation politique ou religieuse.
Il est composé de personnes qui veulent s'engager et être utiles plutôt que rester dans l’évitement ou le déni.
Le Mouvement Anglophone "Deep Adaptation" est né à la suite d’un article de Jem Bendell publié en juillet 2018, article téléchargé plus d’un million de fois et disponible dans de nombreuses langues.
(https://lifeworth.com/DeepAdaptation-fr.pdf)
L'AR Francophone est née, elle, en mars 2020 et s'appuie sur les valeurs et les pistes de réflexion les 4R, proposées par Jem Bendell
Les 3 valeurs phares sont d’œuvrer avec Curiosité, Compassion et Respect
Les 4 R sont : Résilience, Restauration, Renoncement et Réconciliation. J'y reviendrai tout à l'heure.
Nous organisons chaque dernier mercredi du mois, une rencontre permettant d'aborder ces pistes de questionnements, à partir d'un angle spécifique.

Les thèmes suivants ont déjà été abordés :
- Anticiper les risques en mangeant local
- La redirection écologique, un cadre d'action pour des réalisation concrètes en cours
- Agir collectivement avec les Communs
- Que faire avec nos émotions ?
- Parler d'effondrement à nos enfants

Vous pouvez retrouver les vidéos sur la page vidéos du site d'Adaptation Radicale

Aujourd'hui nous souhaitons aborder le thème des écolieux en lien avec la notion d'adaptation radicale
La question des « écolieux » est un sujet vaste et largement traité par ailleurs (voir en particulier -les liens ici ... )

Il ne s'agit pas ici, dans cette première rencontre de l'adaptation radicale sur les écolieux de simplement refaire ce qui a été fait ou de redire ce qui a été dit.
Nous cherchons plutôt de considérer le terme d'écolieux ou les formes de « vie collective » pour les mettre en adéquation avec les impératifs écologiques au travers du filtre de l'adaptation radicale.
Que veut-on dire par là ?
Il y a d'abord une question qui semble s'imposer avec notre filtre :
- les écolieux peuvent-ils être les lieux d'une forme de société permettant l'adaptation au changement climatique ? Et alors, à quelle condition ?

Autrement dit, quelles question devons-nous nous poser afin que cela puisse être le cas.
Et à partir de là, pouvons-nous identifier des catégories, des modèles, des formes d'écolieux permettant ou favorisant cette adaptation radicale ?
Ensuite, pourquoi s'intéresser aux écolieux ? Pas simplement parce qu'on en parle beaucoup et de plus en plus.

Mais parce que face à l'effondrement ou à sa perspective, ils apparaissent souvent comme une "réponse" envisagée pour organiser la résilience et l'autonomie.
Ceci nous amène à une autre interrogation susceptible de questionner cette multiplication des projets d'écolieux.
N'est-ce pas alors le symptôme d'une fuite ou de la recherche d'un refuge ?

Fuite par rapport au modèle de la société actuelle, posée comme responsable de la "crise écologique".
--> L'écolieu seraient alors un contre-modèle idéal d'une vie plus en harmonie avec la nature !?
N'y a-t-il pas là une utopie ? Une sorte d'idéalisation qui résiste très mal à l'épreuve de la réalité.
En effet, des chiffres sont avancés pour dire ou estimer que 80 % des projets d' écolieux seraient en "échec" ou ne seraient pas viables ou durables.
* L'écolieu apparaît aussi comme un refuge par rapport à la peur de l'effondrement ; Il serait une forme "collective" d'une orientation survivaliste permettant d'organiser ou d'assurer l'autonomie-survie [individuelle].
N'y a-t-il pas là une deuxième utopie, celle de la possibilité d'une autonomie quasi individuelle à l'échelle d'une petite "tribu" ?

Cela nous amène à une nouvelle question : celle du niveau de l'autonomie visée (c'est-à-dire d'1 "niveau de vie" ), de la taille et de la structuration d'une population permettant ce niveau d'autonomie.
Ces premières questions nous conduisent à cibler le sujet des écolieux en rapport avec notre Raison d'Etre.
Je vous la rappelle :
- Reconnaître et accueillir les émotions de chacun.e,
Accompagner la prise de conscience et l'acceptation des processus d'effondrements.
- Prendre soin des communautés humaines et des écosystèmes, avec inclusion, soutien et entraide.
- Agir, expérimenter et apprendre ensemble pour soutenir l'adaptation, en tissant des liens avec les autres initiatives, pour construire un futur désirable et pérenne.

Je reviens aussi sur les 4 R dont j'ai parlé avant :
Résilience : Qu’est-ce que nous valorisons le plus que nous voulons garder et comment ?
Renoncement : Que pourrions-nous lâcher pour ne pas empirer les choses ?
Restauration : Que pourrions-nous ramener pour nous aider à traverser cette période difficile ?
Réconciliation : Avec quoi et avec qui allons-nous faire la paix en nous éveillant à notre mortalité mutuelle ?

A partir de là, peut-on réaliser, satisfaire notre raison d'être dans 1 écolieu et selon quels schémas et principes ?
Et comment nos 4R résonnent-ils ou peuvent-ils organiser le "vivre ensemble" et la vie collective dans 1 écolieu ?

De nouvelles questions plus concrètes se posent alors :

- Celle de la taille de l'Ecolieu et/ou de la manière dont il peut se lier à son environnement plus large dans un contexte d'effondrement (brutal ou lent).
- Celle de l'organisation des échanges de biens, de services déterminant son degré d'autonomie et de résilience.
- Celle des conditions d'accès à ces lieux en termes "financiers" et en termes de "projet de vie". Ce sont des questions qui remettent au centre le modèle dominant de l'économie capitaliste fondé sur la propriété privée. Elle ouvre donc à la question des communs.
- celle des formes d'organisation de la vie collective, du vivre-ensemble. Donc la manière dont un groupe se donne des règles pour décider de son destin, afin de prendre des décisions qui l'engagent pour le futur (désirable et pérenne), Avec aussi la question de l'inclusion de nouveaux membres et de l'exclusion-départ de membres en "désaccords" - C'est globalement le sujet de la gouvernance et des valeurs du groupe. Et il y a bien sûr aussi la manière dont les hommes et les femmes qui composent ces groupes communautaires sont capables de régler leurs relations interpersonnelles, leurs différends et leurs différences-diversités, dans l'acceptation consciente d'un certain niveau de contraintes, dans un esprit de solidarité d'entraide nécessaire au projet du lieu, à sa viabilité-durabilité qui les dépassent.
Cela au-delà des règles d'échanges et des règles politiques, au-delà du projet du vivre ensemble.
C'est là toute l'alchimie de l'équilibre, de la combinaison entre adaptation matérielle (résilience) et adaptation-transition intérieure.

Vous voyez que le sujet est très vaste et nous ne prétendons pas répondre à toutes ces questions aujourd'hui.
Nous allons néanmoins essayer d'apporter des éléments de réponse et il y aura sûrement d'autres rencontres pour approfondir.

Nous aurons 2 témoignages : celui de Daniel Rodary puis celui de Léandre Baconnais, avant de passer aux questions réponses.