Foire aux questions


Est-ce que c’est un mouvement écolo ?
Les processus d’effondrements ont des causes multiples, dont environnementales. Adaptation Radicale ayant une approche systémique, le mouvement ne se définit donc pas particulièrement par rapport à l’écologie, et ne fait la promotion d’aucune solution, qu’elle soit politique, technologique ou religieuse.

Est-ce que vous pensez qu’il n’y a pas de solution ?
Les solutions dépendent de la manière dont on définit les problèmes. Nous pensons que certaines choses sont inévitables. Pour tout ce qui est du domaine de l’inévitable, il est trompeur et contre-productif de parler de solutions. Par contre, tout n’est pas inévitable, et nous pensons donc que certaines lignes de conduite - difficiles - sont préférables à l’inaction. Nous encourageons les discussions permettant d'identifier et de distinguer l'évitable de l'inévitable, en prenant conscience et en respectant les émotions suscitées par ces échanges, et les personnes qui y participent.

Est-ce que vous prédisez une apocalypse ?
Le terme d’apocalypse ne fait pas partie de notre vocabulaire, il est trop connoté religieusement et moralement, et laisse à penser qu’il y aurait un “moment” apocalyptique alors que nous évoquons plutôt une période longue et diversifiée. Nous utilisons éventuellement plutôt des termes comme "effondrements" (au pluriel), “collapse”, ou “dégradations anthropocéniques”. Des termes comme “processus d’effondrements” indiquent que c’est progressif et que nulle “fin du monde” n’est en vue. Nous évoquons et travaillons sur des processus d’effondrements déjà en cours : les aléas liés aux conditions climatiques, l’effondrement de la biodiversité, et les tensions sur les ressources sont déjà en cours et vont de plus en plus influer sur les conditions d’habitabilité des territoires et sur leur capacité à remplir des fonctions de protection à la fois physique et psychique, mettant en péril le rôle des institutions pour y organiser la vie sociale et économique. Nous pensons que ces processus d’effondrements se manifestent et se manifesteront de manières diverses en fonction des territoires, des économies et des classes sociales. Nous ne faisons pas de prédiction, nous nous basons sur des données scientifiques pour décrire des choses qui se produisent déjà, et essayer d'anticiper au mieux des phénomènes prévisibles à court terme.

Qu'est-ce qui vous distingue des autres mouvements ?
On ne discute pas beaucoup de la probabilité des effondrements, considérant qu'ils sont, soit déjà en cours, soit tellement probables qu'il est nécessaire, par principe de précaution, de les considérer comme certains pour élaborer des réponses adaptées (d'où le terme d'adaptation !)

On est donc un peu distincts, car un peu plus radicaux, par rapport aux nombreux mouvements qui disent encore qu'il faut "se réveiller vite", qu'il n'est "pas trop tard", qu'on peut encore "tout" sauver ou presque tout... Pour nous, il y a clairement des pans entiers des systèmes actuels pour lesquels il est "trop tard" (parfois depuis longtemps), auxquels il faut renoncer et donc pour lesquels il faut dès à présent s'adapter.

Notre mouvement considère les effondrements prochains dans nos sociétés comme la base, le point de départ du travail urgent que nous avons à faire !!

Cependant, nous réfutons l'usage croissant actuel du mot "Adaptation" pour dire que, plutôt que de changer des systèmes et en particulier l'économie, il faudrait juste "s'adapter", en particulier à toute une série de conséquences encore évitables du changement climatique, et en laissant aux parties les plus vulnérables de l'humanité la responsabilité de s'adapter comme elles peuvent... : l'adaptation correctement menée nécessite des conversations profondes.

Face à ces questions existentielles et parfois effrayantes, nous voulons créer un ou des espaces bienveillants de discussion afin de parler de ces sujets difficiles, qui nous remuent, nous désespèrent parfois et peuvent nous diviser. Nous pensons que les nier ne les feront pas disparaître. Pour sortir d'un déni néfaste, nous nous autorisons à ne pas être "optimistes", à ne pas cacher les sentiments souvent sombres qui accompagnent la prise de conscience. Nous prenons soin des un·e·s et des autres car nous sommes toutes et tous confronté·es à des peurs et des appréhensions constantes. Dialoguer et nous mettre en action ensemble nous semble être une réponse judicieuse pour tenter de les apaiser et d'en "faire quelque chose".

Prévoyez-vous la disparition de l'humanité ?
Non ! Dans les scénarios les plus extrêmes (guerre nucléaire, pandémie massive, changement climatique rapide) il peut y avoir une diminution brutale du nombre d'humain·es, et une fragmentation des "zones d'habitabilité", mais dans tous les cas, il persisterait très probablement des "poches de survie". Il n'y a pas, selon nous, de preuve(s) scientifique(s) significative(s) pour prédire une disparition de l'humanité dans les prochains siècles. Les états, les institutions, les pays... peuvent disparaître mais cela ne veut pas dire que cela entraîne mécaniquement la disparition de l'ensemble de la population d'un territoire et encore moins de la planète entière.

Faut-il quitter la terre ?
Il n'y a pas selon nous, de crédibilité à la reconstitution d'un espace de vie adapté à l'humanité en dehors de la planète Terre ; ce genre de perspectives (extrêmement coûteuses et qui seraient réservées à une élite) sont néfastes, et à dénoncer fermement.
Nous pensons que la culture de préparation aux catastrophes est utile pour tout le monde, mais pas le repli sur soi via la création de zones "sécurisées", car notre sécurité et nos conditions de survie dépendent en premier lieu de notre capacité à maintenir des liens variés et constructifs avec les autres humain·es et non-humain·es.

Mais on peut encore tenir les objectifs des accords de Paris, non ?
Pas les plus ambitieux. Tenir un objectif de +1,5°C en 2100 est une illusion technique et politique, le "budget carbone" disponible ne le permet plus. Même tenir les +2°C serait extrêmement difficile.
Comme rien ne garantit que l'on réussira à effectivement baisser les températures après avoir atteint la "neutralité carbone" (en retirant du CO2 de l'atmosphère avec des "puits de carbone" suffisamment actifs) , la seule ligne de conduite à préconiser est de faire baisser au plus vite les émissions de GES sans compter sur ces "émissions négatives".

Est-ce que vous faites "des choses concrètes" ?
On arrête pas ! Mais ca dépend aussi ce qu'on entend par "concrètes". Au quotidien, on organise un réseau national d'adaptation radicale, on apprend à travailler ensemble, à discuter des thématiques difficiles qui sont les nôtres, à écouter et respecter les avis divers, etc. Ce ne sont "que" des discussions, mais discuter de tout ça est une partie concrète de l'Adaptation Radicale, et il est important que ces échanges aient lieu.

Il existe plusieurs groupes "régionaux" actifs (Lille, Paris), ou en formation (Grenoble, +?), et dans ces groupes nous organisons du soutien à des initiatives qui existent déjà.

Nous organisons des "Forums des 4R" pour tout groupe de 15 ou plus qui souhaite discuter et tenter de répondre à la question suivante : à quoi ça ressemble d'envisager l'adaptation dans sa ville ou son territoire ?
Des sessions du "Jeu de l'Entraide" sont également proposées, ensemble autour d'une table ou en visio, à 6 ou plus. Ce jeu permet de se poser des questions auxquelles nous ne sommes pas encore confrontées, ou assez peu. Des ruptures de normalité qui impactent directement notre quotidien (coupure de courant, inondations, épidémies, guerre...).
Régulièrement sont animés des Webpapotages qui rassemblent (en visioconférence) celles et ceux qui veulent "papoter". En fonction de l'actualité, des personnes présentes, les thématiques abordées varient et "s'adaptent". Nous appliquons, dans le cadre de nos échanges, un cadre de sécurité qui permet à chacun·e de se sentir à l'aise et en sécurité pour s'exprimer.
Nous nous rassemblons également le plus régulièrement possible, même si c'est compliqué et couteux à différents niveaux. La richesse de ces temps privilégiés nous motive pourtant et nous prévoyons des rencontres nationales (comme celles de Lille en 2023 et Paris en 2024) et dans les territoires. Nous participons également à des évènements qui abordent les thèmes qui nous semblent importants, tel le Festival de la Décroissance et sommes ouvert·es aux propositions de partenariats et de projets communs !

A titre individuel, nous expérimentons la mise en place des 4R concrètement dans nos modes de vie selon nos possibilités et nous échangeons et nous encourageons dans un canal dédié de notre Mattermost.

Pourquoi "Adaptation Radicale" ?
Notre mouvement découle plus ou moins du mouvement international "Deep Adaptation", initié du papier homonyme de Jem Bendell https://www.lifeworth.com/deepadaptation.pdf
(avec "Adaptation" comme pendant à "Atténuation" du changement climatique)
Nous avons choisi de traduire "deep" par "radicale", dans le sens "à la racine".
On peut aussi dire "Adaptation Profonde"

Est-ce que vous espérez l'effondrement pour passer à autre chose ensuite ?
Non, parce que nous avons conscience que les effondrements ne se feront pas sans douleurs et sans heurts. Nous ne pouvons nous réjouir de la souffrance que des modifications brutales des modes de vie peuvent engendrer. Nous tentons par ailleurs de penser l'adaptation pour que ces chocs soient les moins durs possibles, sans angélisme pour autant.
Non, parce que le premier sujet d'importance, particulièrement pour les plus vulnérables, c'est maintenant et le court terme, donc la période actuelle puis celle des effondrements (en cours ou à venir, selon les domaines et les points de vue).
Non, parce que "la suite" pourrait mettre 20, 50 ou 100 ans à venir... Nous pensons que la suite doit commencer à se construire maintenant.

Est-ce que vous prônez l'autonomie alimentaire, les bases ou communautés autonomes, résilientes ?
Il ne faut pas confondre autonomie et autarcie. Nous sommes pour que les communautés humaines repensent leur manière de vivre afin de ne pas faire perdurer un modèle qui a fait la preuve de sa nocivité. Savoir faire et savoir être pour (à nouveau) être libre. Libre de ne pas dépendre de quelqu'un·e ou d'une quelconque organisation pour subvenir (en partie) à ses besoins : l'idée est très intéressante. Notre confort actuel est au prix d'une violence systémique exercée sur notre planète et sur les humains qui n'ont pas "la chance" d'être parmi les plus riches et les plus avantagé·es. Mais nous savons aussi que tout le monde "ne peut pas" et il est important que cette autonomie ne soit pas que basée sur des modèles destinés à des personnes jeunes, valides et en bonne santé. Ne pas reproduire les inégalités et ne pas réduire les personnes à leur "utilité".

Est-ce que vous êtes proches des survivalistes ?
Nous pensons que les solutions individuelles n'en sont pas. Nous pensons que l'autonomie est intéressante mais qu'il est impossible de survivre seul·es et que ce n'est, de toute manière, pas souhaitable. Nous sommes par ailleurs "non violent·es", nous ne souhaitons pas nous armer (à part certainement de courage et de patience). Nous ne sommes pas pour la loi du plus fort mais bien pour celle du plus grand nombre, clin d'oeil au livre : L'entraide, l'autre loi de la Jungle [lien : https://pabloservigne.com/entraide-2/].
Nous souhaitons effectivement penser autrement la façon d'habiter la terre mais sans nous "enterrer". L'ouverture qui nous semble primordiale n'est pas celle que l'on retrouve dans la philosophie des survivalistes : l'autre ne sera jamais notre ennemi.

Est-ce que vous êtes d'accord avec l'Adaptation à +4°C en France promue le gouvernement depuis un an ?
Oui. et Non !
Oui, il va falloir s'adapter à des choses inévitables. Avec 0.5m de montée des mer en 2100, ce qui est quasiment garanti, quoi qu'on fasse avec le CO2, la Camargue ou le Marais Poitevin changeront de visage pour toujours, et perdront le caractère particulier qu'on leur connait depuis des milliers d'années, sans parler des zones industrielles du Havre ou de St Nazaire.
Dans notre réponse à la consultation publique sur l'adaptation à une trajectoire menant vers +4°C en France en 2100 [lien https://adaptationradicale.org/yeswiki/?Adaptation4C], nous avons d'ailleurs dit que, oui, il était logique et raisonnable de s'intéresser à la possibilité qu'on finisse sur une trajectoire aussi dévastatrice, mais, en soulignant que l'adaptation serait aussi terriblement difficile et coûteuse. Un des avantages à parler au plus tôt d'adaptation est de visualiser ce qu'il faudrait faire dans ce cas, ce qu'on ne pourrait éviter. Les coûts astronomiques pour sauver ce qui pourrait l'être dans une France à +4°C peut, par ailleurs, motiver grandement à plus de mitigations immédiatement (mesures pour baisser les émissions de CO2 par ex, décroissance, etc) et à grandement relativiser la difficulté de celles-ci.

Et Non ! S'adapter n'est pas accepter des conséquences qui pourraient être évitées en changeant de modèle économique : des changement drastiques ou des arrêts complets de certaines pratiques sont nécessaires ! Ce sont des choix de sociétés, et pour l'instant le gouvernement met clairement le business devant la protection du vivant et des citoyen·es, et utilise le mot "adaptation" pour présenter comme inévitables les conséquences de ce modèle économique. C'est un dévoiement du mot adaptation que nous combattons.

MAJ du 05/04/24