Nous ne pouvons pas vivre éternellement avec une liberté sous conditions

- 4e partie d'une Véritable Révolution Verte


Voici la 4e partie d'un essai en sept parties sur le type d'innovations politiques qui répondraient à la difficile situation environnementale et sur les raisons pour lesquelles la plupart des professionnels de l'environnement ignorent ces idées, et promeuvent à l’inverse des idées limitées et restrictives. Ces idées pour une Véritable Révolution Verte offrent un contraste avec les programmes actuels, dans le but d'encourager un mouvement environnemental mondial en tant que force politique basée sur les droits. Dans cette partie de l'essai, je me concentre sur le problème insoluble mais essentiel de la réforme de la gouvernance. Elle est rendue encore plus difficile par la récente emprise sur l'espace public des plateformes technologiques mondiales, que la plupart des hommes et femmes politiques choisissent d'ignorer.

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Réforme de la gouvernance


Les dernières décennies ont été marquées par des tendances politiques similaires dans de nombreux pays, impliquant la déréglementation des marchés, la privatisation, la propriété étrangère et une financiarisation accrue. La façon dont ces tendances se sont manifestées dans le monde entier est une indication du manque de souveraineté de chaque nation. Au lieu de cela, les institutions financières mondiales fournissent les ressources intellectuelles et les sujets de discussion via les instituts professionnels, les médias, les universités et les groupes de réflexion, et exercent une force disciplinaire par le biais des marchés des obligations d'État et des devises. Chaque pays présente cet agenda d’une certaine façon, et raconte comment il est le résultat du leadership d'un homme ou une femme politique en particulier, ou d'une faction politique. Mais la tendance mondiale révèle que le récit des médias grand public est une totale imposture : selon eux, chaque homme et femme politique serait un•e leader plutôt qu’un•e administrateur•rice des intérêts du capital national et international, que ce soit sciemment ou non, et vendrait les idées qui font avancer ces intérêts. De nombreux•ses hommes et femmes politiques sont en fait formé•e•s à ces techniques de « vente », y compris les professionnel•le•s des relations publiques, les acteur•rice•s, les présentateur•rice•s et les célébrités.

Les réformes bancaires que j'ai mentionnées précédemment contribueraient à éliminer certaines des pressions antidémocratiques exercées sur les gouvernements. Il est peu probable que cela se produise étant donné la manière dont la finance influence la politique dans la plupart des pays. Il est donc urgent de réformer la gouvernance pour réduire l'influence de l'argent sur la politique et permettre une tentative sérieuse de véritable révolution verte. Bien que la gouvernance ait une incidence sur chaque question sociale et environnementale dans tous les pays, le sujet de la réforme de la gouvernance n'est pas une priorité pour les syndicats, les organisations environnementales, les organisations de défense des droits de l'homme et tous les autres groupes d'intérêt de la société. Cela s'explique en partie par le désir de certaines organisations ayant le statut d’association caritative d'éviter de paraître politiques. Pourtant, l'éducation et le plaidoyer en faveur de la réforme de la gouvernance pourraient facilement se faire dans le cadre des règles régissant les associations caritatives. En quoi cela pourrait-il consister ?

Voici certaines des idées qui pourraient être avancées par des coalitions au sein de la société civile et s'appliquer à différents niveaux de gouvernement, du local au national, et libérer la politique pour qu'elle s'attaque à l'agenda ClimatePlus de manière plus cohérente. Des règles et des limites plus strictes sur les dons aux hommes et femmes politiques ainsi qu’aux partis politiques avec, à la place, un financement supplémentaire de l'État sur la base de paramètres convenus sur les niveaux de soutien. L'interdiction pour les hommes et femmes politiques, les haut•e•s fonctionnaires et leur famille d'exercer des activités privées de conseil ou de gestion des investissements, et une interruption d'au moins trois ans entre le travail au sein du gouvernement et tout emploi lié à leur rôle officiel. La criminalisation de la publication payante de mensonges répétés sur des opposants politiques (par exemple, par des publicités sur Facebook). La criminalisation de l'implication de la police ou des agences secrètes dans les partis politiques nationaux ou étrangers (ce qui pourrait nécessiter un traité international, étant donné que de nombreuses agences secrètes infiltrent leurs propres partis politiques afin de les surveiller et de les défendre contre les influences étrangères).

Si nous n'abordons pas ces questions, toute dévolution de pouvoir aux gouvernements régionaux connaîtra toujours les mêmes problèmes d’emprise par les intérêts économiques que ceux observés au niveau national. Il est important d'essayer de changer la situation à tous les niveaux de gouvernance : sans cela, les hommes et femmes politiques et leurs bureaucraties ne seront pas en mesure de se concentrer sur l’agenda #ClimatePlus, et risquent plutôt de répondre soit faiblement, soit au hasard, soit de manière à servir les intérêts des seules entreprises.

Réforme des médias, de la publicité et des grandes entreprises technologiques


La gouvernance dont nous faisons l'expérience est le résultat direct de notre façon de communiquer dans nos sociétés. Le système monétaire est lui-même une forme de communication. Lorsque les banques décident du montant du prêt que vous pouvez obtenir, il s'agit d'une forme de communication avec vous et avec toutes les personnes impliquées dans la fabrication, la vente, le service, l'utilisation et l'achat futur du produit, quel qu’il soit. Comme je l'ai examiné dans ma conférence inaugurale en 2014, les entreprises sont les plus grands conteurs d'histoires dans nos vies. Par la publicité, les relations publiques, les contenus médiatiques de toutes sortes et les méthodes des plateformes en ligne des grandes entreprises internationales, les entreprises façonnent notre expérience de l'information et de la communication. Toutes ces communications ont été façonnées dans un objectif commercial, à savoir faire en sorte que nous ayons besoin de plus de leurs produits, plutôt que de produits fabriqués par d'autres ou bien d’aucun produit. Il n'est pas étonnant que la société semble être devenue un magma de névrosés en quête de statut. Je me demande souvent à quel point je suis affecté par la culture que je critique ici. Si j'avais une plus grande acceptation de moi, aurais-je été plus bienveillant envers moi et tout le monde, plutôt que de courir à droite à gauche avec des trucs importants à faire ? Probablement. C'est pourquoi nous devons tous prendre conscience de la façon dont nos vies, et celles de nos proches, ont été blessées par une culture façonnée dans l'intérêt des entreprises. C'est à partir de cette tristesse et de cette douleur que nous pourrons commencer à envisager des politiques adaptées à l'ampleur du problème. Voici quelques-unes de mes idées, et je vous encourage à en trouver d’autres.

Nous devons interdire toute publicité destinée aux enfants de moins de 14 ans. Toute forme de publicité qui leur est destinée ou qui est destinée à leurs parents à leur sujet doit être considérée comme une forme de maltraitance des enfants, en les faisant se sentir inadéquats. La publicité destinée aux enfants ou la manipulation de leur attention pour vendre des produits devrait être considérée comme un délit, point à la ligne. Cela inclut également le placement de produits dans les contenus télévisés et vidéo destinés aux enfants. En outre, nous devons accepter que la vente d'histoires de vies meilleures, de mariages plus heureux, etc. à partir d'un produit spécifique est en fait une forme de mensonge. Par conséquent, toute publicité qui promeut des modes de vie et des émotions, plutôt que de fournir des informations factuelles sur un produit, devrait être illégale. Oui, cela signifie que nous pourrions voir des publicités extrêmement ennuyeuses. Mais nous pourrions alors avoir des vies plus excitantes, car nous cesserions de nous faire vendre des idées de merde, et redécouvririons le sens de nos vies, qui n'a rien à voir avec un logo.

Les grandes entreprises technologiques s'opposeraient à cette approche de la publicité, car celle-ci représente une part importante de leurs bénéfices. Elles ne se conformeraient probablement pas et attendraient le blocage de leurs services dans un pays pour cette non-conformité, sachant qu'une grande partie du public serait affectée et exigerait que le gouvernement trouve une solution. Cela nous rappelle le pouvoir illégitime des grandes entreprises. Leurs investisseurs se sont même vantés de leurs stratégies pour devenir des monopoles, afin de tirer ensuite des profits accrus de tous ceux qui interagissent avec les plateformes. L'humanité a une histoire de cupidité mégalomane, sous la forme de capitalistes monopolistes. Vue leur intention de transformer tout le monde et toute autre entreprise en un sujet de leurs sociétés, ils doivent être considérés comme des ennemis de l'humanité, et non comme des milliardaires estimés. Pour commencer, toutes les plateformes devraient être divisées en leurs parties constitutives. Youtube ne devrait pas faire partie de Google, Whatsapp ne devrait pas faire partie de Facebook et ainsi de suite. Ensuite, les systèmes clés comme Youtube devraient être eux aussi divisés en sociétés liées au type de contenu et à la langue. Ainsi, les contenus de divertissement seraient diffusés par une société post-Youtube, et les contenus d'actualité par une autre. Si tout cela semble étrange et déraisonnable à tant de gens, c'est parce que les faits fondamentaux de l'histoire des entreprises ont été cachés au public : le démantèlement des entreprises monopolistiques fait partie de la défense de la démocratie et l'a toujours été. Les arguments selon lesquels une meilleure efficacité et une meilleure expérience de l'utilisateur final découlent des monopoles ont toujours été avancés par les monopolistes et ils utilisent les mêmes arguments aujourd'hui. Au contraire, les normes d'interopérabilité entre les systèmes et les entreprises peuvent résoudre toutes les difficultés liées au démantèlement des entreprises, comme elles l'ont toujours fait par le passé dans toutes sortes d'industries, y compris l'électronique, les communications et l'internet. Pour commencer à travailler sur cette question, les gouvernements devraient préparer leurs populations à des réponses préemptives agressives de la part des plateformes des grandes entreprises technologiques, en permettant et en incitant leurs citoyens à se préparer à une perturbation des plateformes clés qu'ils utilisent.

Les implications pour l’agenda ClimatePlus sont importantes. Des recettes fiscales plus importantes pour les gouvernements et une plus grande part des revenus pour les producteurs à la base des chaînes d'approvisionnement aideront les sociétés à disposer des ressources dont elles ont besoin pour investir dans tous les aspects de l'agenda ClimatePlus. Ce qui n'est pas largement reconnu, c'est la façon dont les impacts directs et indirects du changement climatique sur les processus économiques, y compris sur les chaînes d'approvisionnement longues et complexes, constituent une menace pour la poursuite de leur fonctionnement harmonieux et rentable, en particulier à une époque où les usines et les points de vente au détail sont approvisionnés en flux tendus. La résilience des communautés et des entreprises face aux perturbations financières et commerciales sera accrue si elles sont moins dépendantes d'entreprises mondiales qui peuvent être affectées par des perturbations provenant de n'importe quelle partie du globe (ou provoquer ces perturbations par leurs propres politiques et pratiques, sans avoir à se justifier).
Une réforme des médias d'entreprise est également nécessaire. Les grandes entreprises qui possèdent plusieurs chaînes de télévision et journaux sont connues pour influencer la conversation politique dans les pays du monde entier. Par le passé, les médias ont soutenu les intérêts des entreprises en promouvant des politiques néolibérales. Ces dernières années, leur agenda a changé pour soutenir les intérêts des entreprises par l’accord de subventions gouvernementales. La propriété et les objectifs de ce secteur des médias se sont traduits par un manque d'attention aux problèmes critiques de notre époque, un manque d'attention et un affaiblissement des idées significatives pour aborder ces problèmes, une promotion de récits politiques réactionnaires et opportunistes, et un flux constant de contenu qui contribue à l'« insatisfaction aspirationnelle » qu'un système capitaliste de consommation produit et exige au sein d'une population.

La première politique qui s'impose est l'interdiction pour des personnes ou des sociétés étrangères de contrôler des intérêts d’actionnaires dans les sociétés de médias. Tout journal, toute station de radio ou chaîne de télévision ayant une part de marché importante dans un pays doit être détenu majoritairement par des citoyens de ce pays. Cela poserait des problèmes difficiles aux plus grandes chaînes de télévision sur Internet, qui devraient soit créer de nouvelles sociétés dans les pays pour y vendre leur contenu, soit se retrouver bloquées par ces pays, en cas de non-conformité. Deuxièmement, au moins la moitié des licences de télévision et de radio d'un pays devraient être attribuées à des organisations appartenant à des organismes à but non lucratif ou à des coopératives, avec si nécessaire une tarification préférentielle des licences pour atteindre cet objectif. Ces mesures contribueraient à la fois à varier le contenu des médias et à modifier les avantages, permettant ainsi un débat plus diversifié et pertinent sur la situation à laquelle l'humanité est actuellement confrontée. Si cela se produit, alors beaucoup d'autres idées liées à un agenda ClimatePlus pourront émerger, être discutées, affinées et mises en œuvre.

Oui, il est peu probable que ces réformes se produisent, car toutes les tendances vont dans la direction opposée, vers le « techno-féodalisme ». À moins que vous ne soyez un techno-autoritaire, avec zéro preuve que cela fonctionnera, c'est un problème, et nous saisir de nos processus politiques doit rester notre priorité. Demain, j'aborderai certains des sujets plus souvent traités par les professionnel•le•s de l'environnement, les militant•e•s et les décideurs politiques : l'adaptation, la géo-ingénierie et l'énergie nucléaire.